En fouinant dans une brocante j’ai été attirée par le recueil d’une correspondance entre deux femmes toutes les deux parisiennes d’adoption mais qui ont choisi de parler ici de leur exil. (un livre qui date de 1986)
Nancy Huston a quitté le Canada pour faire ses études à Paris et y est restée. Leila Sebbar d’origine franco algérienne est venue en France pendant la guerre d’indépendance et elle a choisi de s’y installer.
Le choix du mode épistolaire pour revenir sur leur vécu face à cette situation d’exilée est intéressant car entre chaque lettre le temps leur permet de mûrir la réflexion.
« Ce que j’aime dans une lettre, c’est l’absolue liberté d’écrire, de répondre ou non, de reprendre ou pas tel ou tel point de la lettre reçue, de revenir sur ce qui tient à cœur, même si ce n’est pas le sujet…. »
La difficulté de l’exil c’est le retour au pays. Leïla n’a pas encore pu retourner dans son village natal, elle préfère garder vivant ses souvenirs, refusant de se confronter à l’actualité.
Pour Nancy, chaque retour est un déchirement « toujours rouvrir les portes…. »
Leïla a choisi de se battre pour exister, elle a embrassé la cause féministe
« A histoire d’Elles j’ai aimé ce lieu privilégié où se sont mêlés pendant plusieurs années entre plusieurs femmes, le privé et le politique, dans une pratique autonome de travail et de jeu…..C’est ce métissage des pays, des cultures, des corps, des vêtements, des accents, des voix et des gestes qui m’a attachée et je ne l’ai pas retrouvé ailleurs. »
Mais elle a du mal à s’ancrer dans un lieu, elle écrit souvent dans un bar, un endroit anonyme entre deux équilibres, son métissage ajoute du flou à son identité.
« Je ne suis pas immigrée, ni beur, mais simplement en exil, un exil doré certes mais d’un pays qui est le pays de mon père et dont j’ai la mémoire , vivant dans un pays qui est le pays de ma mère, de ma langue , de mon travail, de mes enfants , mais ou je ne trouve pas vraiment ma terre… »
Nancy a fait du français sa langue de l’écrit, mais le fait de vivre à l’étranger lui donne l’impression d’être une usurpatrice, de ne pas vivre naturellement mais « entre guillemets »
« Dans la mesure où je vis en pays étranger, tout ce que je fais me semble un peu étrange ; mes gestes ne coïncident jamais parfaitement avec l’image que je m’en fais. »
Face à cette image d’être « dedans/dehors », d’appartenir sans appartenir…L’écriture reste leur seul secours
Une correspondance faite de chaleur et de confidences très agréable à lire sur un sujet qui nous touche tous .il faut peu de choses pour se sentir déraciné.
Ce texte m'a laissé un petit goût de nostalgie sur la correspondance alors si quelqu'un est tenté par un échange sur nos vies nos souvenirs nos expériences, sur tout et rien mais par courrier juste pour le plaisir de partager. faite moi le savoir je suis partante .